Militant de plusieurs associations et chargé de projets chez Water For Life, Chérif Mamadou est très préoccupé par la situation des enfants talibés dans le nord de la Côte d’Ivoire. Dans cet échange, il nous raconte son engagement.

Bonjour M. Mamadou ! Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Bonjour MyAfricaInfos ! Je suis Cherif MAMADOU. Né en Côte d’Ivoire, je suis de nationalité ivoirienne et je réside actuellement à Abidjan.

Que faites-vous faites dans la vie ?

Je suis bénévole à l’ONG Humanity First, chargé des projets Water For Life. Au sein de cette ONG, nous sommes chargés  de planifier et de suivre la mise en œuvre des activités du projet Water For Life après validation par la hiérarchie.

L’activité principale consiste à organiser la mission humanitaire dans les villages dont les demandes  sont validées et financées par les donateurs. Sur le terrain, nous réhabilitons les pompes hydrauliques dans les villages afin de permettre aux bénéficiaires l’accès à l’eau potable.

En plus de cette activité, je fais partie des animateurs de l’ONG Services Droits de l’Enfant et de la Famille-Afrique (SDEF-AFRIQUE). Au sein de cette structure, nous encadrons et formons les nouveaux couples sur le droit de la famille avant la célébration de leur mariage.

De tous vos engagements sociaux, lequel vous tient le plus à cœur ?

Nous avons servi comme bénévole dans les associations caritatives depuis le collège.Mais de toutes ces activités et engagements, la vie des talibés mendiants m’a énormément bouleversé. Aider ces enfants est pour moi un sacerdoce.

Qu’est-ce qui vous a poussé vers cet engagement ?

Le 28 décembre 2015, nous avons effectué une mission humanitaire dans la région de Ouangolodougou, au nord de la Côte d’ivoire. A partir de la région du Centre jusqu’au Nord, nous étions envahis par des enfants mendiants à chaque station ou point d’arrêt. Arrivés à Ouangolodougou, ils étaient encore plus nombreux et visibles dans les rues. C’est ainsi que nous nous sommes rapprochés de la population pour recueillir quelques informations. Nous avons été informé que ces enfants qui mendient sont les talibés (des enfants apprenant le Saint Coran et qui mendient pour le compte de leurs maîtres marabouts).

De retour à Abidjan, nous avons mené des recherches sur internet et des réflexions sur cette situation. Après d’autres voyages dans la région et voyant toujours leurs souffrances, nous avons rencontré quelques érudits en matière de religion  pour avoir des explications de l’Islam sur la mendicité et l’éducation des enfants.

Lors de nos entretiens, les sages étaient d’avis qu’il faille mettre absolument fin à cette pratique. D’autres ont ajouté que la mendicité en Islam est un péché en se basant sur une parole du prophète Mohammad (saw) : « Que l’un d’entre vous transporte sur son dos des fagots de bois est meilleur pour lui qu’il ne réclame de l’argent auprès de qui que ce soit, et que cet argent lui soit donné ou non » Imam Boukhary. Ensuite Imam Abou Hourayra rapporte : « Que celui qui mendie pour accroitre ses biens ne mendie en réalité que des braises (enfer) soit qu’il demande peu, soit qu’il demande beaucoup » Mouslim.

Nous n’avons vu aucun écrit du Saint Coran encourager cette pratique. Et le système éducatif en Islam tient compte du bon traitement de l’enfant. A cet effet, il est écrit comme nous a cité Bukhary : « Lorsque le soleil se couche, faites rentrer vos enfants ».

Or, nous savons tous que les talibés mendiants trainent dans les gares routières ou dans les marchés de nuit et devant les maquis jusqu’à minuit. En Islam, la mendicité est une pratique  déconseillée et considérée aujourd’hui comme un fléau qui doit interpeller les guides religieux et nos gouvernants. Selon le système éducatif de l’Islam, c’est une pratique honteuse qui au lieu de former des enfants qui seront capables de créer et d’inventer, transforme plutôt ces innocents en des êtres qui seront tôt ou tard un fléau pour la société.

Face à la recrudescence de ce phénomène, j’ai alors décidé d’aider ces  talibés mendiants afin qu’ils aient une éducation décente dans le respect de leurs droits.

Alors qu’est-ce qui a changé depuis votre engagement aux côtés de ces enfants ?

Nous avons débuté sur le terrain en novembre 2017. En effet, pour résoudre un phénomène, il faut d’abord chercher à comprendre les causes. Pour le moment, nous continuons les rencontres. Nous avons déjà rencontré les autorités politiques, traditionnelles, religieuses et les forces de sécurité  de Ouangolodougou. Elles nous ont donné leur accord afin de nous accompagner dans cette lutte.Notre  prochaine rencontre sera à Abidjan, avec le président du Conseil Supérieur des Imams (Cosim), le Cheick Aima Boikari Fofana, chef suprême de la communauté musulmane de Côte d’Ivoire. Cette rencontre est déterminante, dans la mesure où ce Conseil est représenté sur toute l’étendue du territoire. Avec leurs accords, les imams des villes touchées par le phénomène pourront nous accompagner pour rencontrer les marabouts et sensibiliser les parents dans les mosquées.

Après la rencontre des autorités religieuses, quelle sera la suite de la lutte ?

Notre projet dans le court terme, est de rencontrer les autorités politiques, religieuses et traditionnelles de sept grandes villes du Centre-Nord ( Bouaké, Korhogo, Ferkessedougou, Ouangolodougou, Tengrela, Odienné et Boundiali ). Cette démarche a pour but de convaincre ces autorités à soutenir le projet en s’impliquant d’avantage dans la sensibilisation. Pour le moment à Ouangolodougou j’ai l’accord de toutes les autorités pour implication dans la sensibilisation.Après cela, nous envisageons d’échanger avec les Parlementaires sur la question des droits des talibés mendiants et des enfants mendiants en général.

Plus tard, nous  voudrions mener des actions de grandes envergures sur toute l’étendue du territoire ivoirien pour mettre fin à cette pratique. Nous souhaitons  aussi former, en collaboration avec la population, des comités de surveillance sur d’éventuelles pratiques de mendicité des talibés.

Enfin, nous voudrions créer une plate-forme qui sera un lieu d’échange et d’information sur des cas de pratique qui ne sont pas conformes aux droits des enfants, puis étendre cela à tous les pays de l’Afrique de l’Ouest.

Votre projet est louable et surtout à encourager.Mais quelle est votre principale difficulté depuis vos débuts sur cette lancée ?

Notre principale difficulté se situe à trois niveaux. D’abord, la plupart des talibés mendiants viennent des pays limitrophes de la Côte d’Ivoire(Burkina, Mali, Guinée etc). Il est donc difficile de rencontrer leurs parents pour les écouter et les sensibiliser. De plus, les maîtres marabouts acceptent difficilement les rencontres. Ils se méfient des questions de droits de l’homme. Enfin, nous sommes parfois menacés par certains de ces marabouts, car la mendicité leur rapporte des fortunes.

Dans une telle ambiance comment pensez-vous éradiquer ce fléau ?

On peut toujours éradiquer un fléau, mais cela demande du temps, de la diplomatie et une très bonne stratégie. C’est ce que nous faisons. Pour le moment on ne se préoccupe pas encore des marabouts,mais plutôt d’avoir le consensus et la coopération de toutes les parties prenantes qui peuvent contribuer y compris vous-même qui publiez cet entretien. Nous avons entrepris des démarches pour renforcer des articles de loi sur le cas des enfants mendiants. Nous sommes conscients des dangers liés à la question, c’est pour cela que sur le terrain nous avons noué des contacts avec les différents postes de gendarmerie et de la police mondaine. Et  nous informons toujours les commandants de brigade de tous nos déplacements. Malgré que le milieu soit complexe, nous avons foi en ce que nous faisons.

Votre engagement doit en inspirer beaucoup d’autres. Un message pour ces personnes ?

Nous disons  que tout le monde peut devenir défenseur des droits de l’homme mais cela relève d’un amour profond que l’on éprouve pour l’humanité. Il ne faut surtout pas le faire pour de l’argent mais plutôt se sacrifier pour qu’à travers votre engagement, d’autres personnes aient le sourire et la joie de vivre.

Avez-vous un message particulier à l’endroit de la jeunesse en général ?

Comme message à l’endroit de la jeunesse en général, nous disons que nous pouvons tous intervenir dans un domaine bien précis en tant que des personnes engagées pour le bien de l’humanité. Pas forcément en droits de l’homme, mais quel que soit ce que vous faites il faut toujours chercher à apporter votre contribution. Le changement dont nous rêvons peut se réaliser  aujourd’hui si nous le voulons. A travers les réseaux sociaux nous voyons le savoir-faire scientifique et technologique de la jeunesse, et dans bien d’autres domaines, nous voyons les jeunes  engagés dans des contrées très éloignées auprès des populations pour améliorer les conditions de vie. Soyons parmi ces personnes qui se donnent et qui œuvrent pour faire bouger les lignes.

Votre anecdote ou citation préférée ?

« Celui qui veut servir, ne gaspillera pas une seule seconde pour son confort personnel » de Gandhi.

Un dernier mot ?

Nous devons nous mobiliser pour aider les talibés mendiants, pour sauver ces enfants. Ce système d’éducation ne correspond plus aux exigences de notre société.

Merci M. Cherif MAMADOU!

C’est moi qui vous remercie!

 

Vous pouvez joindre M. Cherif MAMADOU aux contacts suivants:

Cherif Mamadou 03 BP 416 ABIDJAN 03 ; Côte d’Ivoire

Téléphone : (+225) 49172709

E-mail : cherifmamadou08@gmail.com

Facebook : Cherif Mamadou

LinkedIn : Cherif Mamadou

Twitter : CHERIFM72207169

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