Ensemble est un mot merveilleux. Il suggère que l’on met en commun, que l’on agit de concert. Mais être ensemble, ne signifie guère former un ensemble.

 

 

Le mot a beau être beau, mais il resterait un peu court s’il ne s’accomplissait pas dans le sens d’une totalité cohérente et agissante. Nous avons questionné la société béninoise. Voici les différentes réponses que nous avons recueillies.

 

Dans une famille, on est ensemble, parents, enfants et tous les autres. Forme-t-on pour autant un ensemble ? Une crise intergénérationnelle est vite arrivée. Les adultes sont moulés dans des valeurs, principes et croyances que les plus jeunes ne partagent pas toujours. Au nom d’une modernité de façade, nourrie au lait d’une mondialisation plutôt douteuse, les jeunes estiment qu’ils savent tout. Ils soutiennent qu’ils n’ont rien à apprendre de ceux-là que les technologies de la communication ont laissé en rade sur le quai de la gare des antiquités. Dans un climat aussi délétère qui ne dispose plus au dialogue, des mots durs, voire malheureux s’échangent. Des attitudes regrettables, reflets des pensées en conflit, écorchent les relations, brouillent les visions.

 

Pourtant, on est ensemble, liés par le sang, tenus par un seul et même patronyme, un même nom de famille. Ne doit-on pas aller plus loin ? Seul le passage du fait d’être ensemble en la formalisation d’un ensemble harmonieux, peut garantir l’unité et la paix des cœurs et des esprits.

Dans une entreprise, on est ensemble, sous la même casquette, au-delà de toute hiérarchie. Forme-t-on pour autant un ensemble quand les objectifs globaux de l’entreprise ne sont pas partagés par tous, quand des clans se forment, des lobbies et divers groupes d’intérêts s’entredéchirent ? Pourtant, dehors, une seule raison sociale s’affiche. Elle dit qu’on est liée par la même cause. Elle clame qu’on travaille pour les mêmes objectifs. Alors qu’il y a le feu sous les braises. Alors que le ver est dans le fruit. Alors que l’ivraie étouffe le bon grain. C’est connu : on ne gagne qu’avec ses forces, jamais avec ses faiblesses. Aussi, une entreprise divisée se condamne-t-elle à imploser, à mourir. Là-dessus, il n’y a pas et il n’y aura pas de miracle.

 

Dans les religions, ont est ensemble dans la même église, on prie ensemble dans les mêmes chapelles. On invoque le nom d’un seul et même Dieu. On sacrifie aux mêmes exigences cultuelles. On psalmodie les mêmes prières en direction du très Haut. Mais on se montre bas, on se fait bas, plus bas que terre, en s’illustrant dans des querelles de clocher qui cachent mal leur vraie nature. On se sert de Dieu comme d’une marchandise pour asseoir des intérêts nauséabonds. La religion, c’est le prétexte tout trouvé, le paravent bien commode pour cacher et masquer bien d’incommodités. Dans cette pagaille monstre où Dieu seul reconnaîtra les siens, on casse des vies, on fracasse des destins. On entraine dans l’erreur des milliers de gens. Ceux-ci sont abusés, dupés dans leur croyance naïve de gens simples. Ils ne savent pas où on les mène. Ils ne savent pas pourquoi on les malmène.  On le voit bien, être ensemble ne suffit pas, ne suffira pas tant qu’on ne forme pas et qu’on ne formera pas un ensemble.

 

Le Bénin a un gouvernement formé d’une vingtaine de ministres. Ceux-ci travaillent ensemble sous la direction et la supervision d’un seul Chef. Mais ces ministres de la République forment-ils un ensemble ? Si c’était le cas, ils se seraient conformés, illico presto, comme un seul homme, aux dispositions de la loi leur faisant obligation de déclarer leur patrimoine à l’entame de leur magistère. N’en disons pas plus.

 

Dans un seul et même pays, tant de choses mettent ensemble les habitants. A commencer par un territoire, le pays dont ils sont les ressortissants, les natifs. Il y aussi le drapeau, et l’hymne national qu’ils partagent. Il y a également et encore la devise, les armoiries etc. Dans notre pays, dix millions d’hommes et de femmes vivent ensemble sous les mêmes lois, sous la gouvernance d’un seul gouvernement. Forment-ils pour autant, un ensemble, un bloc uni et organique, du Nord au Sud, d’Est en Ouest ? Ne chaussez point vos lunettes. La vérité saute aux yeux. Elle se voit à l’œil nu

Jérôme Carlos

Ecrivain, historien et journaliste béninois

Directeur de la radio CAPP FM

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