Membre actif du Mouvement des Artistes Engagés du Togo (MAET), YaoJah est également professeur d’anglais. Sa vie artistique et celle d’enseignant s’embrassent dans une parfaite harmonie. Découvrez le professeur et l’artiste !

Bonjour Monsieur ! Qui est YaoJah ?
Bonjour MyAfricaInfos ! D’abord permettez-moi de vous remercier pour l’opportunité offerte. A l’état civil, je suis Yawo Dougno ABOTSI. Mon nom d’artiste est YaoJah.

Pourquoi YaoJah ?
Parce que je veux un nom qui reflète mes racines. “Yao” est un nom que porte un natif du Jeudi dans le Sud-Togo. “Jah” veut dire “Dieu”. En résumé “Yaojah” pour dire “Yao le protégé de Dieu”. Chez moi, le spirituel n’est pas négligé.

Dans quel genre musical excellez-vous ?
Disons que je fais du Blues et du Reggae. J’estime qu’il y a d’innombrables dédoublements en ma personne. Le Blues me permet d’exprimer mes douleurs, mes tempêtes. Il est le conduit par lequel je traduis mes frustrations. Le Reggae vient compléter mon blues en fond sonore. Le reggae est dénonciateur, il évoque mon côté guerrier , “sauvage”. Le reggae est un outil qui m’aide à dénoncer les injustices sociales, bref le reggae me permet de me libérer à chaque fois que je me sens étouffer par un système. C’est une arme pour moi, un instrument de résistance.

YaoJah avec Laura Kokko de la Finlande à Grand Popo sur le son “We no go gree” et “I see hope

Qu’est-ce qui vous a motivé à faire carrière dans la musique ?
Je ne sais pas quand est-ce que j’ai commencé par chanter. Mais j’ai souvenance que déjà au cours primaire, j’ai toujours participé aux activités récréatives de fin d’année en chantant, Idem pour le collège. Mais il faut avouer que le virus m’a véritablement pris avec la rencontre d’un de mes professeurs, Monsieur AGBOGBO, paix à son âme. C’est dans son salon que j’écoutais les Afia Mala, Jimi Hope, Peter Tosh, Bob Marley et Burning Spear… C’était une époque fantastique qui a énormément donné du punch à ma soif pour la chose musicale.

Parlez-nous un peu de votre parcours musical et artistique
Mon parcours est moins dense. Cependant, j’ai enregistré un single au Bénin dont le titre est “wake up” avec Rajah, un artiste français, en 2009. Ce fût au studio Musigerme d’André Quenum, paix à son âme. J’ai travaillé avec le groupe de Georges AGBAZAWOU à Grand Popo au Benin en 2014. J’ai eu à bosser avec le groupe Touareg à Niamey au Niger où j’ai enregistré “we no go gree” au studio Calebasse 2016. A Ouaga, j’ai également enregistré un single en 2018 avec Ocean SAWADOGO ; “Agadez” un single pour décourager la jeunesse à voyager de façon clandestine par le désert pour rejoindre l’Europe. Je suis membre du FMCD (Festival de Musique Culture et Développement) depuis 2017.

D’où vous viennent votre inspiration musicale et artistique ?
(Rire) Mon inspiration me vient de Jah, de la Nature. Les faits quotidiens de la société, les rapports entre humains, les trahisons, les déceptions, les peines, les moments de joie. Les moments difficiles me sont un atout. Et souvent j’ai les meilleures mélodies dans les toilettes ! (Rire) La solitude étant un moment capital pour moi. Elle me permet de me poser des questions, de m’auto- découvrir et de monologuer avec ma personne.
Bref, l’environnement immédiat et ma vie personnelle font la quintessence de ma musique. On me taxe souvent de mélancolique, mais c’est le Blues, l’expression de soi, de profondes blessures.

Outre la musique et l’art, quelles sont vos autres activités et passions ?
Outre la musique, j’aimerais bien exceller dans le cinéma. Être un vieux conteur surtout avec ce décor dont la nature m’a doté. J’aime aussi la photographie car je crois à l’immortalité, puisque toutes les religions y croient sans oublier les Egyptiens.

Au-delà de la musique vous êtes également professeur d’anglais. Comment arrivez-vous à faire l’équilibre ?
En aucun cas ma musique n’empiète pas sur mon travail de professeur. Je dirais d’ailleurs qu’ils se complètent. Puisqu’il faut surtout lire, découvrir et apprendre afin de transmettre. Les deux s’adhèrent et de façon cohérente.

Vous êtes rasta ! Dans le milieu éducatif n’êtes-vous pas stigmatisé ?
Gomez Koffi dans son livre intitulé Opération marigot écrit : “L’ignorance paralyse l’action comme le préjugé appauvrit esprit”.
Je comprends ceux qui éprouvent une antipathie pour les Rastas. Je ne peux en aucun cas m’en prendre à eux. A mon humble avis, l’écart de comportement de certains porteurs de cheveux laisse à désirer. Leur inconduite est à l’origine de ce mépris.
Aujourd’hui, nombres de personnes estiment qu’être Rasta, c’est simplement le port des cheveux. Détrompez – vous mes frères et sœurs. C’est une alliance, un sacrement avec le Most Higher, Jah. Ce n’est ni une histoire de se taper la weed toute une journée. Non, loin de là, le Rastafarisme est un choix de vie, une vie spirituelle accomplie. C’est être en symbiose, en adéquation avec soi et avec la Nature. Il faut cultiver le Rasta-Attitude. Si malgré, les incongruités de la vie, tu parviens à œuvrer toujours avec positivisme, l’entourage ne peut que t’aimer.
Donc pour répondre à votre question, je finis toujours par prouver à mes professeurs et élèves que l’apparence des choses n’est que trompeuse. Donc avec ce Rasta-Attitude, j’ai pu les attirer vers moi.

Que représente la musique pour vous ?
La musique pour moi est consolatrice, elle panse les profondes plaies de la société. Elle est également pour moi, une voie vers la réalisation de soi. Elle est aussi libératrice puisqu’elle me permet de briser mes chaines physiques et spirituelles. Elle est parfois guerrière, parfois nostalgique.

Comme beaucoup d’artistes engagés au Togo, vous avez et continuez de subir la censure du pouvoir en place. Comment vivez-vous cela et que faites-vous pour y remédier ?
La situation financière des artistes engagés au Togo est pénible. Du moment que tu veux attirer l’attention de la jeunesse sur les comportements hideux du système, c’est la stigmatisation qui prend effet… En 2010, j’ai sorti “Wawoe ble mi” pour dénoncer les tares des politiques, et du gouvernement et de l’opposition . Le single “Etiamé” sorti en 2012 est resté muet. Nous sommes aussi méconnus faute de promotion suffisante. Face à cette conduite malsaine de nos autorités, les réseaux sociaux restent les seuls canaux par lesquels nous passons nos messages. C’est la seule vitrine qui nous permet de nous afficher. Aussi, les artistes cherchent finalement à demeurer très compacts avec la naissance du Collectif Y-en-a-marre Etiamé dont le prolongement actuel est le MAET, Mouvement des Artistes Engagés pour le Togo qui milite âprement pour l’amélioration de nos conditions et celles de tous les Togolais.

Y a-t-il des chanteurs qui ont influencé votre écriture et votre style de musique ? Si oui lesquels ?
Absolument, certains ont influencé ma musique voire mon existence. Je suis un fanatique de Peter Tosh, de Bob Marley et de Burning Spear. Le Nigerian Fela Anikulapo Kuti est l’un de mes mentors. Au Togo, j’écoute surtout Jimi Hope, Afia Mala, Vodou Game …

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Votre meilleure collaboration ?
J’ai eu à travailler avec plusieurs artistes les uns aussi talentueux que les autres.Ma collaboration la plus magique est celle avec Ocean Sawadogo du Burkina avec qui nous avons une chanson qui traite de l’immigration clandestine dont le titre est “Agadez” et dont le clip vidéo est prévu pour très bientôt.

Des projets en cours ? Album ou concerts ?
Actuellement, je suis en studio pour un album de 14 titres.

Avec quel(s) artiste(s) aimeriez-vous faire un duo si l’occasion vous était donnée ?
Si l’opportunité m’est offerte, je peux bosser avec les sommités du reggae en l’occurrence le “African Teacher” Burning Spear et Alpha Blondy. Au Togo, je souhaiterais bosser avec Jimi Hope, Thierry NKeli Faha. D’ailleurs, je vous annonce qu’avec mon frère Don Stash, nous vous offrirons bientôt un single.

Qu’auriez-vous fait comme métier si vous n’aviez pas été artiste ou enseignant?
J’aurais été simplement un cuisinier. La cuisine est pour moi un art de séduction et l’expression de soi.

Votre citation préférée ?
Une citation ? “Entre la lâcheté et la violence, j’opte pour la seconde” ; Mahatma Gandhi.

Grand Popo (Bénin) 2014

En couple ou cœur à prendre ?
Comme le dictionnaire Larousse, je sème à tout vent. Je suis ouvert à tous les cœurs pourvu qu’ils aient de la volonté et du sérieux. Les rapports entre amoureux sont une profonde source d’épanouissement et non une vie de débauche. La moralité et l’humain doivent primer dans mes relations amoureuses.

Quels conseils donneriez-vous aux jeunes qui rêvent d’une carrière musicale ?
Aux jeunes, je dirais qu’il est permis de rêver, mais il faille travailler de manière conséquente afin de le réaliser. L’art s’apprend. De nos jours, ils ont plus de chances surtout avec Internet.

Quels conseils à la jeunesse africaine ?
A la jeunesse africaine, je prêche l’éveil de la conscience, le retour à la source. Soyons fiers de notre source. Redevenons nous-même, seule possibilité qui puisse garantir notre équilibre spirituel. Je reconnais que notre avenir est hypothéqué par des dirigeants moins soucieux du devenir de l’Afrique. Néanmoins on peut se frayer son chemin quand on y croit. Je leur dirai d’être Afro, de conserver nos valeurs culturelles et cultuelles endogènes. Je veux encore l’Afrique des Keita Fondeba, l’Afrique des Béhanzin, celle des N’kruma, des Jomo Kenyatta. Soyons nous-mêmes !

Votre mot de fin
Mon mot de fin serait une citation de Malcom X: “On ne peut jamais unir les mains dont les doigts sont séparés”. Nous devons rester unis, très compacts car la lutte continue et il faut la convergence de toutes nos forces et celle de la jeunesse ; ceci reste le leitmotiv de notre combat.

Merci YaoJah
Merci à vous !

Contact de YaoJah
N° de téléphone : +226 77 67 64 65 / +226 63 23 66 66
E-mail : jahyaojah@gmail.com
Facebook: Yaojah

Interview réalisée par Essenam K²

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